André Boudart : « la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie va entrer en 2021 dans une nouvelle ère »
La fin d’année est la période des bilans et l’ACE n’échappe pas à cette « tradition ». Il faut dire qu’en l’espace de quelques mois, l’Agence a modifié profondément tant son fonctionnement et que ses objectifs. Alors, quel bilan pouvons-nous en tirer ? Réponse avec André Boudart, directeur de l’ACE.
Vous avez pris vos fonctions de directeur en mars dernier, sur quelle feuille de route ?
André Boudart : Je m’étais fixé trois axes majeurs dans le but de donner une nouvelle dynamique à l’agence. Il a fallu tout d’abord opérer un travail de réorganisation et de remotivation de l’équipe en place. Ensuite, nous avons entièrement refondu la stratégie de communication de l’Agence afin de lui donner une vraie visibilité. Enfin, le 3e axe de travail aura été la refonte de l’action de l’agence sur des sujets structurants.
Nous nous sommes attachés à ce que l’ACE ne soit plus perçue comme un « tiroir-caisse » dans lequel les uns et les autres venaient piocher pour financer une action certes en lien avec la transition énergétique, mais sans réelle envergure. Aujourd’hui, comme le précise lui-même le membre du gouvernement en charge de l’énergie et Président de notre CA, Monsieur Christopher Gyges, l’Agence est le bras armé de la Nouvelle-Calédonie pour conduire sur le plan stratégique et opérationnel la transition énergétique de notre territoire.
Neuf mois après, où en êtes-vous sur la mise en œuvre de ces trois axes ?
A. B. : Pour ce qui est de la réorganisation interne, les objectifs sont atteints. L’ACE est une équipe engagée dans l’action, installée dans de nouveaux locaux à la SECAL à Dumbéa et pleinement motivée. Pour ce qui est de notre communication, elle est saluée, je crois, de manière unanime et l’ACE a désormais une grande lisibilité. C’est ce qui nous a conduits à devenir l’interlocuteur privilégié des institutions, des collectivités publiques et du monde économique en matière de transition énergétique. Quant à notre plan d’action, nous avons réalisé tous les objectifs qui avaient été budgétés lors du conseil d’administration présidé par Christopher Gyges en juin dernier.
Comment est désormais perçue l’Agence ?
A. B. : Nous sommes perçus aujourd’hui comme un véritable outil d’accompagnement technique et financier des collectivités comme du secteur privé, grâce notamment aux nouveaux partenariats que nous avons conclus avec les organismes financiers que sont l’AFD, la Banque des Territoires, la BCI ou la SECAL. L’ACE a créé autour d’elle un réseau de partenaires qui lui permet de proposer une gamme de services plus étendue qu’auparavant.
Comment s’établissent les relations de l’ACE avec les collectivités ou les partenaires privés ?
A. B. : Il s’est d’abord agi de faire comprendre que nous avions changé nos modes de fonctionnement. Nous ne travaillons plus sur des opérations ponctuelles, mais de manière globale et sur le long terme. C’est la raison pour laquelle nous préparons pour 2021 la mise en place des conventions-cadres pluriannuelles avec des mairies, les provinces, des entreprises. Ainsi, nous définissons ensemble les priorités que chacun souhaite atteindre en termes de transition énergétique, et l’ACE se cale sur ces objectifs et les accompagnent techniquement et financièrement.
Et quelles sont vos relations avec la DIMENC (Direction des mines et de l’Énergie) ?
A. B. : Pendant les deux premières années de son existence, l’Agence a été surtout perçue comme une sorte de pièce rapportée de la DIMENC. Aujourd’hui, et suivant la volonté affichée de notre Président, nous sommes en train de mettre en place une gouvernance rénovée, de manière à ce que la DIMENC et l’ACE travaillent de concert, à la révision du Schéma de Transition Énergétique prévue pour l’an prochain et qui doit être présentée au congrès avant le 31 décembre 2021.
Et toujours selon les directives du président de l’ACE, ce STENC révisé va se déployer davantage vers le nickel vert, le verdissement de la mine et de la métallurgie, mais aussi sur le déploiement de filières économiques utilisatrices d’énergies renouvelables. Rappelons que la Nouvelle-Calédonie a vocation à être autonome sur le plan de sa distribution publique à l’horizon 2023/2024, soit avec 6 ans d’avance sur le planning d’origine du STENC.
D’une certaine manière, après avoir posé les choses, peut-on dire qu’en matière d’action, l’ACE va « entrer dans le dur » ?
A. B. : Absolument. Après avoir refondé l’Agence dans ses fonctionnements et son plan d’action, nous allons entrer en 2021 dans une phase stratégique et opérationnelle plus ambitieuse encore. Nous allons nous emparer de tous les sujets actuellement sur la table, afin de déployer des filières économiques dédiées à la consommation d’énergies renouvelables. Il faut entendre par là : l’électro-mobilité, le stockage d’énergie, la filière hydrogène, le dessalement d’eau de mer, etc.
Au sujet de l’électro-mobilité, précisons que l’Agence a lancé une étude visant à mettre en place un schéma directeur pour mailler la Nouvelle-Calédonie en bornes de recharge électrique. Ce schéma sera prêt en mai de l’an prochain. L’autre sujet qui préoccupe les collectivités et sur lequel l’ACE sera proactive, c’est l’accès à l’eau potable. Après l’inauguration d’un projet pilote de dessalement d’eau de mer alimenté par les EnR à Lebris sur la commune de la Foa, nous allons proposer le lancement d’un appel d’offres pour équiper de ces unités toutes les communes qui en feront la demande.
On entend parfois, concernant la transition énergétique, que la Nouvelle-Calédonie va trop loin et trop vite. Qu’en pensez-vous ?
A. B. : La volonté politique était en effet d’aller à marche forcée vers la production d’énergies renouvelables. Le gouvernement a agréé plus d’une vingtaine de projets de fermes photovoltaïques pour pratiquement 120 MWc de puissance installée. Ce qui fait que la Nouvelle-Calédonie sera autonome avec six ans d’avance sur le calendrier initialement prévu. Mais lorsque l’on en dresse le bilan avec un peu de recul, c’est parfaitement en adéquation avec les avancées technologiques. Il faut être capable de nous adapter et de réagir très vite à ces évolutions. L’enjeu de demain est double : il nous faut valoriser ces énergies renouvelables au mieux et profiter d’un coût de l’énergie qui va être de plus en plus bas pour verdir notre nickel. En fait, la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie est certes rapide, mais contrôlée.